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Lors de la refon­te de la car­te uni­ver­si­taire de l’Académie de Paris en 1968–1971, d’assez nombreux pro­fes­seurs de l’ancienne Facul­té de droit et des sci­en­ces éco­no­mi­ques de Paris ont créé, avec la qua­si tota­li­té des éco­no­mis­tes et une par­tie importan­te des pro­fes­seurs de sci­en­ces humai- nes et socia­les, l’Université de Paris 1 Pan­thé­on-Sor- bon­ne. Tous les dépar­te­ments de cet­te Uni­ver­si­té, notam- ment le Dépar­te­ment des Étu­des inter­na­tio­na­les, euro- péen­nes et com­pa­ra­ti­ves ont déve­lo­p­pé pro­gres­si­ve­ment l‘enseignement des droits étran­gers, prin­ci­pa­le­ment des droits des États européens.

I. Les mas­ter en droits fran­çais et étranger

Par­mi les pro­fes­seurs de droit de l‘Université Paris 1 Pan- thé­on Sor­bon­ne qui ont enten­du encou­ra­ger et réno­ver l’enseignement des droits étran­gers figu­rent deux grands pro­fes­seurs qui se sont dépen­sés sans comp­ter pour ouvr­ir les étu­des uni­ver­si­taires de droit vers l’étranger: les pro­fes­seurs André Tunc et Clau­de-Albert Col­li­ard aux- quels il con­vi­ent tout d‘abord de rend­re hommage.

André Tunc (1917–1999) avait en 1968 une riche ex- péri­ence inter­na­tio­na­le. En par­ti­cu­lier, de 1947 à 1950, il occu­pa le pos­te de con­seil­ler juri­di­que du Gou­ver­ne- ment fran­çais au Fonds moné­tai­re inter­na­tio­nal et à son retour des Etats-Unis, il écri­vit avec son épou­se quat­re volu­mes con­s­acrés au droit amé­ri­cain: deux étai­ent con- sacrés aux sources et tech­ni­ques (Paris 1955), et deux au droit con­sti­tu­ti­on­nel amé­ri­cain (Paris 1954) ce qui est d’ailleurs une bel­le preuve de plu­ri­di­sci­pli­na­ri­té pour un agrégédedroitprivé.Parlasuite,ilportasesrecherches éga­le­ment sur le droit ang­lais et sur le droit fran­çais, prin­ci­pa­le­ment sur la responsa­bi­li­té civi­le qu’il con­tri­bua à révo­lu­ti­on­ner dans les années 1980. Ent­re-temps, il avait été appelé à ens­eig­ner à la Facul­té de droit et des sci­en­ces éco­no­mi­ques de Paris dès 1958 qu’il ne quit­ta qu’en 1969 quand il opta pour la nou­vel­le Uni­ver­si­té Pa- ris 1 Pan­thé­on-Sor­bon­ne. Il était alors devenu le maît­re incon­tes­té du droit civil comparé.

Clau­de-Albert Col­li­ard (1913–1990) ne fut pas seu­le­ment un grand pro­fes­seur de droit inter­na­tio­nal et de liber­tés pu- bli­ques. Il fut aus­si un admi­ra­ble admi­nis­tra­teur uni­ver­si- tai­re tant à Gre­no­ble où il fut un grand doy­en qu’à Paris qu’il a rejoint dès 1959. Sans lui, l’Université de Paris 1 n’aurait pas créé un Dépar­te­ment des Étu­des inter­na­tio­na­les, euro­pé- ennes et com­pa­ra­ti­ves et c‘est grâce à son imagination

cré­a­tri­ce et à ses talents d’animateur que ce dépar­te­ment prit son essor. Sans être lui-même com­pa­ra­tis­te, il a tou- jours vou­lu ouvr­ir l’université fran­çai­se à une plus gran- de con­nais­sance des droits du mon­de entier, y com­pris les pays les plus pro­ches de la France. Par­ta­geant avec André Tunc le goût de l’innovation et une gran­de atten- tion aux étu­di­ants, Clau­de-Albert Col­li­ard for­ma avec lui une équi­pe remar­quable de créa­ti­vi­té et d’efficacité au ser­vice de nou­vel­les for­mes d’enseignement des droits étrangers.

La con­cep­ti­on clas­si­que de l’enseignement des droits étran­gers con­sis­tait et, pour cer­ta­ins, con­sis­te aujourd’hui enco­re, à ens­eig­ner en pre­mier lieu le droit fran­çais, cen- sé être le droit dont l’étude est la plus for­ma­tri­ce, puis, en second lieu, à dis­pen­ser un ens­eig­ne­ment d’initiation aux prin­ci­paux droits étran­gers, prin­ci­pa­le­ment en met­tant l’accent sur les sources du droit et sur l’existence de gran­des famil­les du droit. Une tel­le con­cep­ti­on pré- sen­te l’inconvénient de fai­re du droit fran­çais un sys­tème de rai­son­ne­ment dont l’étudiant a quel­que dif­fi­cul­té à s’échapper et de favo­ri­ser en con­sé­quence un app­ren­tis- sage assez super­fi­ci­el des droits étran­gers. Or, com­me me l’a sou­vent répé­té le grand com­pa­ra­tis­te que fut le pro­fes- seur Léon­tin Con­stan­ti­nesco, pour fai­re du « droit com- paré », il faut d’abord « mett­re les mains dans le cam­bou- is », c’est-à-dire étu­dier le droit d’un pays don­né com­me le font les app­ren­tis juris­tes du pays con­cer­né. Cela exi­ge que soi­ent exploi­tées à fond tou­tes les sources d’information rela­ti­ves à ce droit, c’est-à-dire à la fois non seu­le­ment les tex­tes con­sti­tu­ti­on­nels et légis­la­tifs, mais enco­re la juris- pru­dence, la doc­tri­ne et même les métho­des d’enseignement de ce droit. Cela exi­ge, en par­ti­cu­lier, que l’apprenti com­pa­ra­tis­te acquiè­re une con­nais­sance sérieu­se du sys­tème juri­di­que du pays étu­dié avant d’approfondir cer­tai­nes bran­ches de celui-ci et de com- parer dans la mesu­re du pos­si­ble les métho­des et les so- luti­ons de ce droit avec cel­les du droit fran­çais. C’est le seul moy­en de com­prend­re le sys­tème juri­di­que d‘un au- tre pays que le sien.

C’est pour­quoi le pro­fes­seur André Tunc ima­gi­na d’organiser d’une tou­te aut­re maniè­re l’enseignement des droits étran­gers. Il le fit en com­men­çant par mon­ter un pro­gram­me qua­dri­en­nal d‘études juri­di­ques fran­co-ang- lai­ses. Il le fit en asso­ci­ant l‘Université Paris 1 Pan­thé­on- Sor­bon­ne au King‘s Col­lege de l‘Université de Lond­res. Il fit d‘ailleurs sien­nes bien des sug­ges­ti­ons du professeur

Michel Fro­mont

La for­ma­ti­on d‘étudiants de haut niveau en droit étran­ger à l‘Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Ord­nung der Wis­sen­schaft 2015, ISSN 2197–9197

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Alec Chlo­ros, du King’s Col­lege de Lond­res, qui devint plus tard le juge grec de la Cour de jus­ti­ce des Com­mun- autés euro­pé­en­nes. Il béné­fi­cia aus­si de l’appui pré­cieux du pro­fes­seur R. Gra­ve­son (1911–1991), pro­fes­seur au King’s Col­lege de Lond­res, qui avait été codi­rec­teur de The Inter­na­tio­nal and Com­pa­ra­ti­ve Law Quar­te­ly (1955- 1961), puis pré­si­dent de l’International Asso­cia­ti­on of Le- gal Sci­ence (1960–62). L’idée fon­da­men­ta­le était que les étu­di­ants de chacu­ne des deux uni­ver­si­tés devai­ent étu- dier ensem­ble un pro­gram­me com­mun pen­dant plu- sieurs années, soit quat­re années jusqu’à la réfor­me de Bolo­gne et cinq années depuis l’entrée en vigueur de cet- te réfor­me, les étu­di­ants fran­çais et les étu­di­ants bri­tan- niques com­men­çant ensem­ble leurs étu­des par le droit ang­lais. Les étu­di­ants fran­çais, qui sont recru­tés au sor­tir du lycée ou d’une année pré­pa­ra­toire, ont donc l’immense pri­vilè­ge d’aborder leurs étu­des juri­di­ques par le droit ang­lais, et, plus pré­cis­é­ment, de sui­v­re à Lond­res les mê- mes ens­eig­ne­ments et d‘y subir les mêmes con­trô­les que les aut­res étu­di­ants du King’s Col­lege. Cer­tes, un tel amé- nage­ment des étu­des exi­ge des étu­di­ants un grand effort d’adaptation et donc beau­coup d’efforts et d’intelligence. Mais le résul­tat est là: avoir été ini­tié au droit exclu­si­ve- ment par des pro­fes­seurs étran­gers don­ne à l’étudiant un avan­ta­ge incom­pa­ra­ble: il sait en pro­fon­deur com­ment rai­son­ne un juris­te ang­lais et maî­tri­se par­fai­te­ment à la fois la biblio­gra­phie et le voca­bu­lai­re juri­di­que ang­lais. Bien plus, il con­naît la psy­cho­lo­gie bri­tan­ni­que, ce qui lui don­ne un avan­ta­ge cer­tain dans les négo­cia­ti­ons qu’il aura à mener. Peut-être objec­te­ra-t-on que la con­nais- sance du droit fran­çais est de ce fait un peu nég­li­gée. Il n’en est rien, car le Fran­çais qui revi­ent en France étu­dier le droit fran­çais après deux années d’études du droit ang- lais app­rend plus vite et a un recul qui se révè­le très pro- fita­ble pour des étu­des appro­fon­dies de droit fran­çais. Peut-être objec­te­ra-t-on aus­si que les étu­des portent sur un seul droit étran­ger et qu’il y a plus jux­ta­po­si­ti­on de deux cur­sus nati­on­aux qu’une étu­de véri­ta­blem­ent com- para­ti­ve des deux droits. Mais l’expérience prouve que l’apprentissage d’un droit étran­ger con­sti­tue le pas décisif et qu’une fois fran­chi ce pre­mier pas, il est assez aisé d’acquérir des con­nais­sances sérieu­ses en d’autres droits étran­gers. En out­re, il ne faut pas oublier que les étu- diants par­ti­ci­pant à un tel pro­gram­me font par­tie d’un grou­pe bina­tio­nal rela­ti­ve­ment rest­reint (40 étu­di­ants pour le pro­gram­me Paris 1 – King’s Col­lege) et qu’ils sont ain­si amenés s’entraider en faisant eux-mêmes les com- parai­sons néces­saires pour com­prend­re en pro­fon­deur le droit de l’autre pays. Le pro­gram­me d’études juri­di­ques fran­co-ang­lai­ses com­men­ça en 1977 et a donc main- ten­ant pres­que 40 ans der­riè­re lui.

Le suc­cès de cet­te for­mu­le a amené l’Université Paris 1 Pan­thé­on-Sor­bon­ne à orga­nis­er trois aut­res pro­gram- mes fon­dés sur les mêmes prin­cipes, ceux du bilin­gu­is­me et de la bicul­tu­ra­li­té: le pro­gram­me fran­co-alle­mand Pa- ris 1 – Colo­gne (créé en 1990 par le pro­fes­seur Michel Fro­mont), le pro­gram­me fran­co-espa­gnol Paris 1 – Mad- rid (Comp­lu­ten­se) (créé en 1997 par les pro­fes­seurs Patrick et Hélè­ne Ruiz-Fabri) et le pro­gram­me fran­co- ita­li­en Paris 1 — Flo­rence (créé en 2000 par les pro­fes­seurs Pierre-Lau­rent Frier et Mar­cel Morabi­to). Du fait de cet- te exten­si­on, quat­re pro­gram­mes fon­c­tion­nent par­al­lè­le- ment depuis 15 à 30 ans selon les pays con­cer­nés, les deux plus importants étant le pro­gram­me fran­co-ang­lais et le pro­gram­me fran­co-alle­mand. Quand les étu­di­ants de ces quat­re pro­gram­mes bina­ti­on­aux arri­vent à Paris après deux ans pas­sés à l‘étranger, ils for­ment une pro­mo­ti­on de plus d’une cen­taine d‘étudiants. Par­mi les bran­ches de droit fran­çais qu‘ils doi­vent alors étu­dier, cer­tai­nes sont nor­ma­le­ment ens­eig­nées à des étu­di­ants fran­çais qui sont débu­tants et la péd­ago­gie uti­li­sée est donc peu ad- aptée à des étu­di­ants ayant déjà étu­dié pen­dant deux ans le droit, fût-ce un droit étran­ger. Pour remé­dier à cet in- con­vé­ni­ent, des cours spé­ciaux de droit fran­çais ou com- paré ont été cré­és depuis une ving­taine d‘années pour la cen­taine d‘étudiants fran­çais et euro­pé­ens qui revi­en­nent chaque année de leurs deux ans d‘études de droit dans le pays par­ten­aire. Non seu­le­ment, la péd­ago­gie s‘en trouve for­te­ment amé­lio­rée, mais cet­te orga­ni­sa­ti­on per­met un bras­sa­ge ent­re étu­di­ants pro­ven­ant de l‘un des quat­re pays con­cer­nés, la Gran­de-Bre­ta­gne, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, ce qui leur per­met de cré­er des liens d‘amitié ent­re eux.

En out­re, afin de satis­fai­re aux exi­gen­ces du pro­ces­sus de Bolo­gne, ces pro­gram­mes bilin­gues et bicul­tu­rels com­pren­nent désor­mais cinq années d’études (la cin­qui- ème année étant con­s­acrée à une étu­de com­pa­rée des deux sys­tè­mes juri­di­ques pré­cé­dem­ment étu­diés) et dé- bou­ch­ent sur un mas­ter 2 pro­fes­si­on­nel ou recher­che; c’est le cas notam­ment des Mas­ters 2 Droit ang­lo-amé­ri- cain des affai­res, Droits fran­çais et alle­mand des affai­res, Droits fran­çais et ita­li­en, Droit public com­pa­ré, Opé­ra- tions et fis­ca­li­té inter­na­tio­na­le des socié­tés, Droit pénal et poli­tique cri­mi­nel­le en Euro­pe. Mais cet­te cin­quiè­me an- née per­met aus­si aux étu­di­ants de sui­v­re, s‘ils le préf- èrent, d‘autres Mas­ter de deu­xiè­me année, soit en France, soit en Allemagne.

Un tableau com­plet des ens­eig­ne­ments de ce type de- vrait com­prend­re éga­le­ment quel­ques indi­ca­ti­ons sur le Mas­ter en droits fran­çais et amé­ri­cain, créé en 1990 par le pro­fes­seur X. Blanc-Jou­van. Ce cur­sus ne fon­c­tion­ne pas tout à fait de la même maniè­re du fait que les étudi-

Fro­mont · La for­ma­ti­on d‘étudiants de haut niveau en droit étran­ger 1 7 7

ants amé­ri­cains ont déjà effec­tué des étu­des uni­ver­si- tai­res et que, sauf obten­ti­on d’une bour­se, les béné­fi­ci- aires amé­ri­cains de ce cur­sus doi­vent acquit­ter des frais de sco­la­ri­té éle­vés à l’Université Cor­nell ou à cel­le de Co- lum­bia même pen­dant leurs étu­des à Paris.

Pour don­ner une vue plus con­crè­te de ces pro­gram- mes, quel­ques indi­ca­ti­ons sup­p­lé­men­tai­res vont être don­nées sur le pro­gram­me d‘études Paris 1- Colo­gne qui fon­c­tion­ne depuis 25 ans.

II. Le fon­c­tion­ne­ment con­cret du pro­gram­me fran­co- alle­mand Paris 1 – Cologne

Le pre­mier pro­blè­me qui s‘est posé dès le début du fonc- tion­ne­ment du pro­gram­me fran­co-alle­mand, est l‘organisation du recru­tement des étu­di­ants. Il ne se pose pas d‘ailleurs tout-à-fait de la même façon pour les étu­di- ants fran­çais et les étu­di­ants allemands.

Les étu­di­ants fran­çais pré­sen­tent la par­ti­cu­la­ri­té de com­men­cer leurs étu­des supé­ri­eu­res très jeu­nes (ent­re 18 et 19 ans) alors qu‘il les com­men­cent tout de suite dans une uni­ver­si­té étran­gè­re, donc très loin de leurs par­ents et dans une lan­gue qu‘ils maî­tri­sent enco­re impar­fai­te- ment (spé­cia­le­ment le lan­ga­ge juri­di­que). Pour évi­ter que ces jeu­nes con­nais­sent l‘échec dans une tel­le aven- ture, il été néces­saire de choi­sir avec beau­coup de soin les can­di­dats: ils doi­vent être non seu­le­ment for­te­ment mo- tivés, mais aus­si être aptes à sur­mon­ter des dif­fi­cul­tés de tou­te sor­te, spé­cia­le­ment être capa­bles de s‘adapter à un chan­ge­ment radi­cal de péd­ago­gie et d‘acquérir dans des délais assez brefs une gran­de maî­tri­se de la lan­gue. Cela expli­que qu‘il a fal­lu mett­re en place une pro­cé­du­re per- met­tant tout à la fois d‘avoir un cont­act très per­son­nel avec les can­di­dats et de tenir comp­te de l‘avis moti­vé de leurs pro­fes­seurs. De fait, le taux d‘échec en pre­miè­re an- née à Colo­gne a été et demeu­re très fai­ble. Il faut dire que l‘Université de Colo­gne, spé­cia­le­ment sous l‘impulsion du pro­fes­seur Ulrich Hüb­ner, puis de la pro­fes­seu­re Bar- bara Dau­ner-Lieb, a su remar­qua­blem­ent encad­rer les jeu­nes venus de France. De plus, une remar­quable soli- dari­té ent­re les étu­di­ants fran­çais et alle­mands du pro- gram­me s‘est déve­lo­p­pée très tôt et con­tri­bue au suc­cès de tous.

Les étu­di­ants alle­mands ont a prio­ri moins de dif- ficul­tés à sur­mon­ter durant les pre­miers semes­tres pour deux rai­sons: ils sont un peu moins jeu­nes et sur­tout, ils com­men­cent leurs étu­des supé­ri­eu­res dans leur pro­pre pays et en uti­li­sant leur pro­pre lan­gue. Leurs dif­fi­cul­tés ne com­men­cent guè­re qu‘à l‘arrivée à Paris, mais ils sont déjà plus âgés et plus expé­ri­men­tés, même si le chan­ge- ment de péd­ago­gie con­sti­tue pour eux un véri­ta­ble choc: la péd­ago­gie fran­çai­se est plus auto­ri­taire et exi­ge une plus

gran­de disci­pli­ne. La pro­cé­du­re de recru­tement adop­té par l‘Université de ‘Colo­gne a sui­vi en con­sé­quence des tech- niques plus clas­si­ques; elle por­te prin­ci­pa­le­ment sur la com- pré­hen­si­on des tex­tes et les con­nais­sances linguistiques.

Le deu­xiè­me pro­blè­me à résoud­re a été celui du fi- nance­ment du pro­gram­me. En ce qui con­cer­ne le fi- nance­ment des ens­eig­ne­ments, le pro­blè­me n‘a pas été trop aigu du fait que les uni­ver­si­tés de Paris 1 et Colo­gne dis­po­sent d‘un grand nombre d‘enseignants. Bien plus, la qua­li­té des étu­di­ants fran­co-alle­mands a été si gran­de que les ens­eig­nants se réjouis­sai­ent et se réjouis­sent tou- jours d‘avoir la chan­ce de les avoir pour étu­di­ants. Du côté fran­çais, le Minis­tère de l‘enseignement supé­ri­eur a accep­té après de longues démar­ches de cré­er deux pos­tes d‘enseignants pour s‘occuper à temps partiel des prob- lèmes de coor­di­na­ti­on et d‘animation, l‘un pour la direc- tion des étu­des (emploi de pro­fes­seur agré­gé de l‘enseignement second­ai­re), l‘autre pour l‘organisation des éch­an­ges sci­en­ti­fi­ques avec l‘Université de Colo­gne. Le pro­blè­me a été plus aigu pour trou­ver les locaux né- ces­saires pour accu­eil­lir les bureaux ren­dus néces­saires pour le fon­c­tion­ne­ment du pro­gram­me, spé­cia­le­ment à Paris 1 où les locaux sont insuf­fi­sants comp­te tenu du nombre total d‘étudiants (40 000).

Néan­mo­ins, comp­te tenu de la con­cep­ti­on fran­çai­se de l‘égalité des chan­ces, le pro­blè­me le plus aigu fut à plu- sieurs repri­ses le finance­ment des bour­ses. En effet, viv­re à l‘étranger pen­dant deux ans ent­raî­ne néces­saire­ment des frais sup­p­lé­men­tai­res pour les inté­res­sés. Heu­reu­se- ment, l‘Université fran­co-alle­man­de a appor­té un sou­ti- en important aux deux uni­ver­si­tés, même si le grand nombre de par­ti­ci­pan­ts au pro­gram­me l‘a sou­vent con- duite à limi­ter son aide à un nombre d‘étudiants infé­ri­eur au nombre réel. En out­re, le Pro­gram­me Eras­mus, et, du côté alle­mand, la Stif­tung des deut­schen Vol­kes ont éga- lement accor­dé leur sou­ti­en sous la for­me de l‘octroi de quel­ques bour­ses. Per­son­nel­le­ment nous reg­ret­tons que l‘Université fran­co-alle­man­de n‘ait pas con­cen­tré tou­te son aide sur seu­le­ment quel­ques uni­ver­si­tés des deux pays pour chacu­ne des gran­des disci­pli­nes. Ain­si une véri­ta­ble uni­ver­si­té sans murs aurait sur­gi de l‘espace uni­ver­si­taire fran­co-alle­mand. Le sau­poud­ra­ge des aides n‘est jamais aus­si effi­cace qu‘un finance­ment soli­de de quel­ques gran­des initia­ti­ves. Il faut rele­ver que les sé- jours à Paris sont indi­rec­te­ment aidés par l‘aide per­son- nali­sée au loge­ment qui per­met aux étu­di­ants de béné­fi- cier, sans con­di­ti­ons de reve­nus des par­ents, d‘une par­ti- cipa­ti­on assez importan­te au finance­ment du loy­er de la chambre, ce qui est appré­cia­ble pour une ville com­me Paris répu­tée pour le prix éle­vé de ses logements.

Cet­te orga­ni­sa­ti­on qui est assez lour­de à fai­re fon­c­ti- onner appor­te beau­coup de satis­fac­tions aux responsab-

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les actuels de ce pro­gram­me, la pro­fes­seu­re Bar­ba­ra Dau- ner-Lieb, Colo­gne, et le pro­fes­seur David Capi­tant, Paris 1. En effet, les étu­di­ants fran­co-alle­mands se don­nent à fond à leurs étu­des et à la pro­mo­ti­on de leurs diplô­mes. Non seu­le­ment ils réus­sis­sent leurs examens bien au delà des per­for­man­ces des étu­di­ants ordi­naires tant en France qu‘en Alle­ma­gne bien que les examens qu‘ils subis­sent sont exac­te­ment les mêmes pour tous: ils obti­en­nent pres­que tous des notes bien au des­sus de la moy­enne des aut­res étu­di­ants et les redou­blem­ents ou aban­dons sont raris­si­mes. Une for­te soli­da­ri­té les unit, ce qui per­met à ceux, heu­reu­se­ment peu nombreux, qui ren­cont­rent des dif­fi­cul­tés de les sur­mon­ter. En out­re, leurs deux asso­cia- tions, l‘association des Juris­tes de Paris 1 et de Colo­gne (JPC) et l‘association Juris­ten des deut­schen und fran­zö- sischen Rechts (JDFR e.V.), sont très acti­ves, non seu­le- ment pour déve­lo­p­per les cont­acts ent­re leurs mem­bres (sous la for­me de ren­con­tres le soir ou le week-end ou même de brefs voy­a­ges), mais aus­si pour fai­re con­naît­re leurs diplô­mes à l‘extérieur: chaque année, ils orga­nis­ent plu­s­ieurs sémi­n­aires avec des per­son­na­li­tés extérieures.1 De plus, les grands anni­ver­saires de la créa­ti­on du Pro- gram­me font l‘objet de céré­mo­nies et de fes­ti­vi­tés impor- tan­tes; ce fut le cas, notam­ment du 20e anni­ver­saire qui fut fêté le 13 mars 2010 à l‘Université de Colo­gne, dans des lieux pres­ti­gieux, et ce sera le cas pour le 25e anni­ver- saire qui sera fêté le 30 mai 2015 à Paris tant à l‘Université qu‘à l‘Ambassade d‘Allemagne et auquel par­ti­ci­pe­ront des per­son­na­li­tés de pre­mier plan. De sur­croît, ces deux asso­cia­ti­ons édi­tent ensem­ble un Annu­ai­re qui a paru sur papier jusqu‘en 2010 et qui est désor­mais con­sul­ta­ble sur le site inter­net de chacu­ne des deux associations.2

Les débou­chés pro­fes­si­on­nels sont aisés à trou­ver. Cer­tes, l‘on pour­rait pen­ser que la con­nais­sance appro- fon­die de l‘allemand ne suf­fit plus aujourd‘hui pour per- mett­re des car­ri­è­res pres­ti­gieu­ses. Il n‘en est rien. Com- me l‘a décla­ré un jour le responsable d‘un cabi­net d‘avocats amé­ri­cains à Paris: « peu impor­te le droit étu- dié, ce qui comp­te, c‘est d‘être habi­tué à rai­son­ner dans le cad­re de divers sys­tè­mes juri­di­ques ». De plus, l‘étude de

1 Par exemp­le, voir Tim Maxi­an Rusche, 3. Deutsch-fran­zö­si­sches Kol­lo­quui­um der Uni­ver­si­tät Paris 1 und der Uni­ver­si­tät zu Köln am 25.5.2012 in Paris, Deutsch-fran­zö­si­sche Kon­ver­gen­zen: Unter­neh­mens­fi­nan­zie­rung und Gover­nan­ce der Finanz­in­sti­tu- tio­nen, EuZW 2013, p. 9 ; le tex­te de l‘article se trouve aus­si sur

la lan­gue ang­lai­se est encou­ra­gée à Paris 1 et plu­s­ieurs pro­fi­tent de la cin­quiè­me année pour fai­re des étu­des en lan­gue ang­lai­se pen­dant une année, par exemp­le, en fai- sant le Mas­ter 2 Droit ang­lo-amé­ri­cain des affai­res à King‘s Col­lege (Lond­res) ou en sui­vant un pro­gram­me d‘études à l‘un des deux col­lè­ges d‘Europe, celui de Bru- ges ou celui de Nato­lin (Wars­za­wa).

La plu­part des diplô­més des deux pays, qui sont aujourd‘hui plus d‘un mil­lier, ont la pos­si­bi­li­té de fai­re car­ri­è­re soit dans les insti­tu­ti­ons euro­pé­en­nes, notam- ment la Com­mis­si­on euro­pé­en­ne ou la Cour de jus­ti­ce de l‘Union euro­pé­en­ne, soit dans les insti­tu­ti­ons natio- nales, notam­ment les Uni­ver­si­tés, le minis­tère des affai- res étran­gè­res et les juri­dic­tions, soit dans les cabi­nets d‘avocats les plus pres­ti­gieux ou les ent­re­pri­ses les plus importan­tes. A cet égard, les diplô­més ont con­nu des suc­cès par­ti­cu­liè­re­ment flat­teurs dans les Uni­ver­si­tés: ain­si deux d‘entre eux sont deve­nus pro­fes­seurs de droit pri­vé (Lou­is Davout à Paris 2 et Jonas Knesch à La Réu- nion), deux d‘entre eux sont deve­nus pro­fes­seur en Alle- magne ou Pri­vat­do­zent (Achil­les, Hoch­schu­le für ange- wand­te Wis­sen­schaf­ten, Mün­chen; Bern­hardt Kre­ße, Hagen), quat­re d‘entre eux sont deve­nus maît­re de con­fé- ren­ces en France (Iris Barsan, Paris 12; Juli­en Dubar­ry, Paris 2; Nata­lie Jou­bert, Bour­go­gne; Valé­rie Par­isot, Rouen): enfin Clai­re Micheau com­mence une car­ri­è­re bril­lan­te à l‘Université de Luxembourg.

Si l‘on ajou­te au mil­lier de diplô­més du pro­gram­me fran­co-alle­mand les deux mil­liers d‘étudiants qui sont aujourd‘hui diplô­més des aut­res pro­gram­mes bicul­tu­rels et bilin­gues fran­co-ang­lais, fran­co-ita­li­en et fran­co-es- pagnol, ces inno­va­tions de l‘Université Paris 1 Pan­thé­on- Sor­bon­ne ont per­mis d‘injecter par­mi les juris­tes des quat­re pays con­cer­nés envi­ron trois mil­le juris­tes ouverts à la cul­tu­re et spé­cia­le­ment au droit des pays voi­sins de la France et, en tout pre­mier lieu de l‘Allemagne.

L‘auteur est anci­en pro­fes­seur des Uni­ver­si­tés alle­man- des e pro­fes­seur émé­ri­te à l‘Université Paris 1 Pan­thé- on-Sorbonne.

le site Inter­net de l‘Université de Colo­gne (Deutsch-Fran­zö­si­sche

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